Patent: I. I. Abadie

Belgium 33964
Brevet d’invention

Le ministre de l’intérieur,

Vu la loi du 24 mai 1854;
Vu le procès-verbal dressé le vingt six Janvier 1874, à une heure cinquante cinq minutes,
au Greffe du Gouvernement provincial de Liège
et constatant le dépôt régulier fait par le Sieur J.J. Abadie, à Liège,
d’une demande de brevet d’invention
pour des perfectionnements apportés à la disposition et au fonctionnement des armes à feu;

Arrête :
Article 1er,

Il est délivré au Sieur J.J. Abadie, à Liège,
un brevet d’invention,
à prendre date le 26 Janvier 1874 pour des perfectionnements apportés à la disposition et au fonctionnement des armes à feu.

Article 2eme,
Ce brevet lui est délivré sans examen préalable, à ses risques et périls, sans garanties soit de la réalité de la nouveauté ou du mérite de l’invention, soit de l’exactitude de la description et sans préjudice du droit des tiers.
Au présent arrêté demeurera joint le duplicata, certifié conforme par le Sieur Abadie de la description avec le dessin déposé à l’appui de la demande.

Bruxelles, le 16 Février 1874,
Au nom du Ministre de l’Intérieur,
Le Secrétaire général

Mémoire descriptif déposé à l’appui de la demande d’un brevet d’invention pour perfectionnements apportés à la disposition et au fonctionnement des armes à feu, par Mr Abadie Ingénieur Civil demeurant à Liège.

Exposé

Tout le monde sait que pour opérer le chargement d’un revolver à baguette on doit, au préalable, ouvrir la portière et la placer le chien au cran de sureté.
Ce n’est qu’alors, en effet, que l’on peut faire tourner le tonnerre autour de son axe et amener ainsi successivement chacune des sous ouvertures en face de l’évidement pratiqué au corps du revolver, soit pour y introduire les cartouches, soit pour les extraire.
Il est essentiel de remarquer que dans les revolvers existants, ce mouvement de rotation du tonnerre, avec temps d’arrêts, ne pouvant s’effectuer qu’à la main, donne toujours lieu à des tâtonnements non moins longs qu’ennuyeux, d’où résulte inévitablement la lenteur du chargement et du déchargement de l’arme.
Pour obvier à cet inconvénient et assurer au revolver un fonctionnement toujours facile et rapide à la fois, nous substituons aux dispositions actuelles un système qui a pour fonction principale de produire mécaniquement le mouvement périodique du tonnerre pour en opérer le chargement ou le déchargement.
Cet effet est obtenu au moyen de la gachette, qui d’ailleurs se meut comme à l’ordinaire, mais après avoir été au préalable rendue indépendante du reste de la platine, par un embrayage particulier qui amène, en même temps, le chien au cran de sûreté.
Le perfectionnement que nous venons de signaler n’est pas le seul que comporte notre invention ; il en est d’autres, non moins importants, que nous ferons successivement ressortir dans la description qui suit.
Pour mieux faire comprendre notre invention nous allons nous reporter aux dessins ci-joints, dans lesquels nous avons, pour l’intelligence de la description, représenté par la même lettre chacun des organes dont se compose notre système.

Description

La Fig.1. représente l’ensemble de notre revolver vu de côté en élevation, et laissant voir la disposition de la baguette et de la portée. La Fig.2. est une vue par devant.
La Fig.3. représente une vue longitudinale en élevation, moins la plaque et la crosse que nous avons enlevées afin de mettre à découvert tous les organes de notre platine.
La Fig.4. est une double vue de la portière.
La Fig.5. représente respectivement de face et de côté la broche et la baguette rendues solidaires.
La Fig.6. montre la plaque destinée à recouvrir la platine.
Les Fig.7 et 8. représentent dans leurs positions respectives, les organes de notre système de platine, lorsque le chien se trouve aux deux limites extrêmes de sa course.
La Fig.9. est un autre genre de platine auquel s’applique notre système d’embrayage.
A. est un collet, formant partie intégrante du corps du revolver, dans lequel glisse la baguette B._ Dans celle-ci est pratiquée, de part en part, une ouverture cylindrique dans laquelle rentre entièrement le tube C. fixé parallèlement à la broche E._ Cette dernière est solidement assujettie au corps du revolver au moyen d’un arrêt à ressort non représenté au dessin.
La baguette est munie à l’une des ses extrémités, d’une oreille F. à l’aide de laquelle on la fait glisser et rouler sur le tube C._ Cette oreille se confond, avant et après l’extraction des cartouches, avec la tête D. de la broche E., sur laquelle tourne le tonnerre.
La baguette étant poussée à sa limite extrême représentée Fig.5., tend à reprendre sa position primitive (Fig.1.) en vertu d’un ressort indépendant G., dont une extrémité tient au tube C. tandis que l’autre tient à la baguette.
Ces dispositions nouvelles présentent le triple avantage :
1° D’assurer à la baguette le mouvement rectiligne de va-et-vient qui doit lui être imprimé pour extraire les cartouches du tonnerre.
2° De rendre l’arme plus gracieuse.
3° Et enfin de réduire la main d’oeuvre puisqu’en reliant la baguette à la broche qui lui sert de guide par l’intermédiaire du tube C., on évite de pratiquer au corps du revolver et du canon la cannelure qui se fait aujourd’hui.
H._ Portière vissée au corps du revolver au moyen de son axe I., dont elle forme partie intégrante :
Une partie de cet axe est retranchée par une section parallèle et perpendiculaire à sa base, afin de réserver à la gachette l’espace qui lui est nécessaire pour accomplir son mouvement ;
La partie qui reste au dessus du plan coupant, situé au niveau de la paroi du corps du revolver, forme un excentrique J., dont le mouvement, commandé par la portière H., a pour effet simultané d’amener le chien au cran de sûreté (fig.3.) et de suspendre le jeu de la platine, tout en permettant à la gachette de continuer à exercer son action sur le tonnerre.
C’est là ce qui constitue l’embrayage dont nous avons parlé dans l’exposé. Nous y reviendrons.
Examinons maintenant les pièces dont se compose la platine. Elles sont représentées (fig.7.) dans leurs positions respectives après chaque coup parti.
K._ Cliquet à crochet oscillant sur sont axe L.: c’est au moyen de ce cliquet, auquel viennent successivement s’accrocher les deux dents M. M’., pratiquées au chien, que celui-ci est d’abord au cran de sûreté (fig.3.) puis armé (fig.8.), et enfin miss en liberté (fig.7.)
Le cran de sûreté est destiné à maintenir le percuteur T._ formant partie intégrante du chien, à une certaine distance du tonnerre, pour que ce dernier puisse accomplir son mouvement de rotation périodique sans lequel l’introduction et l’extraction des cartouches ne pourraient avoir lieu.
N._ Cliquet articulé à la gachette. C’est par l’intermédiaire de ce cliquet, dont l’extrémité supérieure N’, engrène constamment avec le rochet O._ du tonnerre, que le mouvement circulaire alternatif de la gachette produit le mouvement continu dudit tonnerre.
L’action de la gachette sur la platine s’exerce au moyen de son bec P., lequel repose sur un épaulement arrondi Q., pratiqué au chien. À ce dernier est relié à charnière, un cliquet à ressort R., dont l’extrémité inférieure recouvre le bec P. de la gachette.
Il résulte de ces dispositions que l’épaulement Q. et le cliquet R. forment une sorte d’encoche dans laquelle se meut le bec P. de la gachette ; c’est ainsi que la gachette et le chien sont rendus solidaires et peuvent se commander réciproquement.
Les choses en cet état, si l’on exerce une pression sur la crête du chine afin de le ramener en arrière, tous les points de celui-ci décrivent des arcs de cercle autour de son axe X., lesquels donneront lieu aux mouvements que voici :
1° Le percuteur T., qui à chaque coup de revolver, pénètre dans le plan du tonnerre, à une profondeur qui varie selon le plus ou moins de résistance qui présentent les capsules, s’éloignera dudit tonnerre.
2° L’épaulement Q., remplissant la fonction d’une came, entraînera dans son mouvement la gachette qui, par l’intermédiaire du cliquet N., fera tourner le tonnerre.
3° Et enfin le premier cran M. viendra de son côté s’accrocher au cliquet K.; le chien se trouvera dès lors au cran de sûreté (voir fig.3.)
Maintenant si l’on continue à faire tourner le chien autour de son axe les mouvements qui viennent d’être décrits continueront aussi à se produire, pour ne s’arrêter que lorsque le chien aura atteint la limite extrême de sa course.
À ce moment le revolver est armé, et tous les organes de la platine, ainsi que le tonnerre qui dans son mouvement est venu placer l’une de ses cartouches en face du canon, sont immobilisés dans leurs positions respectives représentées fig.8., au moyen du cliquet K. auquel s’est accrochée la deuxième dent M’. pratiquée au chien. Ce dernier est ensuite mis en liberté de la manière suivante :
Le chien et la gachette ayant tourné simultanément et en sens contraire autour des deux axes X, X’ (comme l’auraient fait deux roues dentées engrenant ensemble) il s’en suit que le talon V. de la gachette est maintenant en contact avec le bras Z. du cliquet K., tandis que le bec P. reposant sur la came Q. Est sur le point de quitter le cliquet R.
D’après ces dispositions on comprend aisément que la pression exercée sur la gachette aura pour résultat de la faire tourner autour de son axe : par conséquent le P. s’éloignera aussitôt de l’arc décrit par le cliquet R., pendant que de son côté le talon V. fera osciller le cliquet K., dont l’extrémité se dégagera de la dent M’.
Libre dès lors, le chien vient frapper instantanément sur la capsule placée à la partie postérieure et centrale de la cartouche, et le coup part.
La gachette étant ensuite abandonnée à elle-même, reprend aussitôt a position primitive, en vertu soit du ressort Y. (Fig.7.) soit par l’intermédiaire du bras de levier 11 (fig.3.), entrainant alors dans son mouvement le cliquet N., dont l’extrémité supérieure vient engrener avec le rochet, tandis qu’en même temps, le bec P. de la gachette s’engage de nouveau au-dessous du cliquet R.
Si, au lieu de faire jouer la platine en agissant directement sur le chien avec le pouce de la main droite, on fait accomplir un mouvement complet à la gachette, celle-ci exercera une pression au-dessous du cliquet R. et amènera ainsi toutes les pièces dans leurs positions respectives représentées fig.8.
Faisons observer que dans l’un ou l’autre cas la course du chien restera toujours la même ce qui n’a jamais été obtenu avec ce genre de platine.
Il nous reste à expliquer le fonctionnement de l’embrayage au moyen duquel les mouvements de la gachette sont rendus indépendants de la platine.
Nous avons dit que l’action exercée directement sur la gachette faisait jouer la platine par l’intermédiaire du cliquet R. au dessous duquel elle est engagée. Il suffit donc pour faire cesser la solidarité qui existe entre la platine et la gâchette, de dérober à l’action de cette dernière le cliquet R.
Ce résultat est obtenu au moyen de la portière, et sans qu’on s’en doute, puisque l’on est forcément obligé de la faire tourner sur son axe pour mettre à découvert la cavité mi-circulaire 2_, pratiquée au corps du revolver, et en face de laquelle viennent successivement se placer les orifices du tonnerre.
Or, comme la portière et l’excentrique sont soumis aux mêmes mouvements, et que d’un autre côté le cliquet R. est presque en contact avec l’excentrique I., il est aisé de comprendre qu’un quart de révolution de ce dernier déterminera un mouvement de recul du cliquet R., dont l’extrémité, après avoir accompli sa course entière et comprimé le ressort qui le fait mouvoir, se trouvera en contact avec le chien et transmettra à celui-ci toute la pression exercée par l’excentrique.
C’est en vertu de cette pression que le chien, tournant sur son axe, est placé au cran de sûreté et le cliquet R soustrait à l’action de la gachette. Celle-ci peut dès lors se mouvoir indépendamment de la platine, et imprimer au tonnerre le mouvement périodique qu’il doit recevoir pour en effectuer le chargement ou le déchargement. Faisons observer que dans le dernier cas la gachette et la baguette doivent se mouvoir alternativement.
Expliquons maintenant les avantages qui résultent d’une modification que nous avons apportée à la construction du tonnerre.
Tous ceux qui ont fait un fréquent usage du revolver ont remarqué que les gaz produits par la déflagration de la charge, et qui s’échappent avec force par l’intersection du canon, venaient promptement enrayer le tonnerre en encrassant la broche sur laquelle il accomplit son mouvement de rotation.
On a essayé d’obvier à cet inconvénient en recouvrant une partie de la broche au moyen d’une douille cylindrique ou légèrement conique formant partie intégrante du tonnerre. Mais cette disposition est insuffisante pour mettre la broche à l’abri des gaz corrosifs dont nous venons de parler.
Dans notre système (fig. 1. 2. et 8.) nous laissons subsister la douille, mais nous en augmentons sensiblement la longueur ; et de plus nous y (réservons?) une bague à laquelle nous donnons le plus grand diamètre possible.
Une gorge mi-circulaire ou triangulaire est ainsi formée et placée au-dessus de l’intersection du canon, d’où il résulte clairement que les gaz projetés dan ladite gorge suivront, par ricochet, une direction qui les éloignera de la broche, laquelle ne pourra plus dès lors s’encrasser au point d’enrayer le tonnerre.
Nous allons avant de nous résumer indiquer d’une manière sommaire d’autres perfectionnements que renferme notre invention.
La pièce 5 (fig.3.) est un levier coudé tournant sur son axe 6, et destiné à bander instantanément et à maintenir en place le grand ressort qui produit la percussion.
La fig.6. est une plaque destinée à recouvrir la platine.
Cette plaque forme un des côtés du revolver et se confond avec lui : elle est fixée au moyen du crochet 7 d’une part, et d’autre part à l’aide du pivot 9, dans l’encoche duquel vient s’engager la partie 10 de la sous-garde.
11._ est un levier oscillant autour de son axe 12 et se meut en vertu du ressort 13, lequel agit, ainsi qu’on le voit, au dessous du petit bras 14. L’extrémité du grand bras s’engage dans une encoche 15 pratiquée au cliquet N, et ramène ainsi la gachette dans sa position primitive, tandis que l’extrémité dudit cliquet vient en même temps s’engager dans une dent du rochet.
Observations : Après avoir exécuté le travail ci-dessus, nous avons conçu une nouvelle disposition à l’aide de laquelle la platine peut facilement être démontée tout en laissant en place la crosse et le grand ressort.
Nous obtenons cet avantage , dont on peut aisément apprécier l’importance, au moyen d’une pièce, 16 fig.7, constamment rabattue contre la paroi du revolver et dans une position parallèle au ressort afin que celui-ci puisse se développer et exercer librement son action.
Mais lorsque, pour une cause quelconque, l’on a besoin de démonter la platine, on arme le chien d’abord, puis on fait décrire à la pièce dont il s’agit un quart de révolution. Celle-ci dès lors (voir fig.8.) se trouve perpendiculaire au ressort et forme ainsi un arc_boutant contre lequel il vient s’appuyer.
A ce moment l’action du ressort étant complètement annihilé tous les organes de la platine peuvent aisément se démonter.

Résumé.
Après avoir décrit la nature de notre invention, et les meilleurs moyens, à notre connaissance d’en réaliser l’exécution, nous désirons qu’il soit établi que nous revendiquons comme notre propriété privative non seulement les résultats nouveaux qu’elle comporte, mais encore tous les procédés décrits, qu’ils soient employés ensemble ou isolément : ce que nous allons établir et justifier en les résumant ainsi :
1° Extrême rapidité du chargement et de l’extraction des cartouches, résultant du mouvement de rotation périodique imprimé mécaniquement au tonnerre.
2° Dispositions des organes de la platine d’où résulte l’invariabilité de la course du chien, soit qu’on l’arme avec le pouce soit qu’on l’arme en agissant directement sur la gachette.
3° Construction de la broche à laquelle est assujetti parallèlement un tube servant à guider la baguette dans son mouvement rectiligne de va-et-vient qui lui est imprimé pour chasser les cartouches du tonnerre.
4° Impossibilité d’oublier la baguette dans l’intérieur du tonnerre, puisqu’elle en sort en vertu du ressort déjà décrit, dès qu’on l’abandonne à elle-même.
5° Organes et moyens destinés à placer le chien au cran de sûreté, et à suspendre en même temps, l’action de la gachette sur la platine, tout en lui permettant de continuer à imprimer au tonnerre le mouvement de rotation périodique nécessaire pour en opérer le chargement ou l’extraction des cartouches.
6° Adoption d’une gorge mi-circulaire ou triangulaire pratiquée à la douille du tonnerre et destiné à soustraire la broche à l’action des gaz et à éviter ainsi l’encrassement qui enraye ledit tonnerre.
7° Application d’un levier dont le petit bras remplit à la fois la fonction d’excentrique et d’arc-boutant, et au moyen duquel le grand ressort est instantanément bandé et maintenu en place.
8° Et enfin, procédés à l’aide desquels les organes de la platine peuvent être démontés tout en laissant en place la crosse et le grand ressort.
Il est inutile de dire en terminant que nous sommes loin de vouloir nous limiter aux dispositions et aux formes des organes que nous avons décrites. Nous nous réservons au contraire d’apporter à notre invention toutes les modifications que l’expérience pourrait nous suggérer et que nous pourrions juger nécessaire à son perfectionnement.

Fait à Liège le 16 Janvier 1874.
J. Abadie