Patent: Lefaucheux

(10831)

BREVET D’INVENTION DE QUINZE ANS,

En date du 15 avril 1854,

Au sieur LEFAUCHEUX, à Paris,

Pour des perfectionnements apportés dans les armes à feu.

Pl. XLIII.

Le nom de Lefaucheux est attaché à plusieurs dispositions ingénieuses ou perfectionnements importants apportés dans la fabrication des armes à feu.

En 1846′, feu Lefaucheux, mon père, imaginait, entre autres, un mécanisme particulier permettant de charger les pistolets ou fusils à plusieurs canons sans être obligé de démonter ceux-ci séparément, et proposait d’y appliquer une cartouche particulière portant sa balle, sa poudre et sa capsule fulminante.

Depuis lors ce genre d’armes multiples a été perfectionné par plusieurs personnes, et l’on paraît adopter définitivement ce système à canon unique mais à charge multiple, dont la manoeuvre laisse néanmoins à désirer au point de vue du chargement, puisqu’il faut toujours charger par l’orifice du cylindre, avec poudre, bourres, balles et capsules séparées.

Cet inconvénient est sans doute racheté par d’autres qualités, mais si en conservant ces dernières on pouvait supprimer l’inconvénient, nul doute qu’un tel perfectionnement n’eût son importance manufacturièrement et commercialement parlant.

J’ai obtenu ce résultat. Je l’ai obtenu par des procédés simples et sûrs, et je viens réclamer, pour leur idée et leur application, le bénéfice d’un brevet d’invention de quinze années.

Je propose, en conséquence, de charger les armes à plusieurs coups fonctionnant par rotation, avec des cartouches complètes dites cartouches Lefaucheux, en opérant successivement pour chaque coup et sans qu’il soit nécessaire d’employer de baguette.

Cette disposition se marie avec l’emploi d’une culasse fixe employée comme point d’appui, et avec un mécanisme additionnel, permettant de chasser la cartouche métallique si on éprouvait quelques difficultés à la retirer après décharge.

Pour donner une idée bien complète de ces perfectionnements, j’accompagne le présent mémoire d’un dessin qui les représente appliqués à un pistolet à six coups, avec un seul canon fixe et un seul cylindre mobile, sans cheminée d’amorcement et sans baguette.

La figure 1, pl. XLIII, est une vue extérieure du pistolet complet.

La figure 2 en est un plan, ou vue en dessus, mais sans la crosse ni le chien.

La figure 3 représente le cylindre mobile ou revolver à 6 charges dans lequel se placent les cartouches.

Les figures 4, 5 et 6 sont des détails de cette pièce principale.

Rien n’est changé à la disposition ordinaire du canon A et de la crosse B.

Le mouvement même du cylindre s’effectue toujours par l’armement du chien et par la saillie d’un ergot, agissant sur une sorte de griffe hexagonale, de même que le maintien en temps utile de ladite noix, ou revolver C, est toujours obtenu par six encoches d s’emboîtant dans la tête d’un ressort aussi mis en jeu par l’armement de la batterie.

Le revolver C est d’une construction entièrement nouvelle; il se compose simplement d’un cylindre percé d’un certain nombre de trous cylindriques ou légèrement coniques ou canons e, six dans l’exemple qui nous occupe, plus une ouverture centrale servant au montage.

Chacun de ces canons est évidé à sa base pour former encoche i, fig. 6, afin de donner passage à la broche percutante f, dépendante de la cartouche D.

La culasse E présente la forme d’une demi-sphère; elle porte, dans le centre, une rigole g pour l’abatte. ment du chien, et sur le côté une porte h, fig. 4, 5, s’ouvrant et se refermant par un petit bouton l. C’est par cette porte unique que s’introduisent successivement les cartouches, à mesure que le revolver tourne sur son axe k.

Les surfaces frottantes de cette dernière pièce et de la culasse sontparfaitement dressées, car ladite culasse, servant de point d’appui, joue ici un nouveau rôle qui exige cette précision, d’ailleurs très-facile à obtenir.

Sur le côté du canon unique A s’ajuste à coulisses, m,une targette P, destinée à refouler, soit la cartouche complète lorsqu’on veut décharger l’arme sans s’en être servi, soit les détritus de cette dernière, s’il y avait résistance ou difficulté pour la retirer.

Cette targette se manœuvre simplement à la main, afin d’occuper successivement toutes les parties des petits canons, comme on l’a indiqué sur les figures 1 et 2.

En résumé, la présente invention comprend:

1º L’idée et les moyens de charger les armes à rotation, fusils ou pistolets, par la culasse en employant les cartouches Lefaucheux, ce qui dispense des opérations diverses du chargement, lesquelles ont toujours l’inconvénient d’être longues, difficiles, surtout lorsqu’il fait froid ou humide;

2º La possibilité de décharger les armes sans brûler les amorces, avec un mécanisme simple etpeu coûteux. Il est presque impossible de décharger les armes chargées par la baguette; mais en supposant cette possibilité, c’est toujours une opération longue, pénible, qui ne s’effectue qu’aux dépens de la balle, qui est hachée ou morcelée, sans tenir compte des pertes et de la détérioration de la poudre.